Genèse


Drame poétique et philosophique, écrit vers 1866 à Frascati, Rome et Ischia et paru le 14 novembre 1867, Peer Gynt se singularise parmi les œuvres d'Ibsen. Présentée au public comme un vrai poème dramatique, elle heurte des lecteurs par son aspect caricatural et quelques critiques cataloguent les thèmes sous-jacents en vile succession de polémiques de journalistes. Bjørnstjerne Bjørnson s'empresse d'en défendre et le message et la poésie. Dans sa forme première, elle n'était pas destinée à être jouée sur une quelconque scène. La trame du drame poétique est une histoire fantastique, plutôt qu'une tragédie réaliste, thème plus commun dans les pièces postérieures d'Ibsen.


La pièce est une farce satirique douce-amère proposant une quête de l'identité indéfinissable, remplie d'humour sous des dehors graves et débordante de charges satiriques. L'histoire peut se résumer ainsi : un anti-héros, prétentieux et aventureux, part défier le vaste monde et rate tout ce qu'il entreprend avant de découvrir, seulement à la fin, la vérité de la solitude de son unique individu. L'amertume apparente qui s'en dégage semble rejoindre le ton dur des autres travaux d'Ibsen, centrés sur une critique sociale incisive. S'enfermer dans une recherche de son identité insaisissable, n'est-ce pas à chaque instant se juger et se condamner ?


Argument : soi-même et le vaste monde


La pièce de théâtre est beaucoup plus une farce sur l'identité du voyageur dans le vaste monde, à commencer par l'identité nationale de l'auteur. Elle relate la chute et la rédemption d'un Norvégien aventureux, paresseux et dégénéré. Si Ibsen souhaite que Peer, « la lie de son cœur », soit l'incarnation des mentalités paysannes les plus répugnantes, il puise surtout dans l'imaginaire des traditions populaires et des contes de Norvège, qui ont été dévoilés par les travaux pionniers de Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe. Il emprunte d'ailleurs le personnage de Peer à un recueil de contes populaires d'Asbjørnsen et les facéties cruelles à l'art des conteurs qui essaient de capter l'attention par des improvisations maîtrisées. À l'époque, Ibsen commence à pratiquer la photographie, en particulier en s'initiant au portrait et l'écrivain imagine aisément le négatif de son personnage Brandt. Peer sera donc « un poète hâbleur, vaurien, irresponsable, fuyant le devoir, le vouloir, la réalité », comme le commente Régis Boyer. Le Grand Courbe l'initie à faire le tour, le voilà définitivement menteur, lâche, rêveur, incapable, égoïste...


Le personnage principal, Peer Gynt, est un jeune fanfaron d'une vingtaine d'années qui tente de fuir la réalité pour la pure vie idéale et accessoirement par le mensonge. Peer a la chance d'obtenir la promesse de la main de Solveig, jeune fille vertueuse et fidèle, mais, par manque de persévérance, il enlève en pleine fête nuptiale une jeune épouse séduisante Ingrid. Ayant été violée et pour finir abandonnée par Peer, Ingrid déplore son triste sort.


À la recherche d'aventure et d'amour, Peer Gynt en fuite de son village natal rencontre une des filles du vieux roi de Dovre, qui, séduite par Peer, l'entraîne dans le monde des trolls et des démons. Ils rendent ainsi visite au légendaire roi des montagnes de Dovre, dont les autres filles sont des gnomes. Il souscrit à la devise des trolls : « Suffis toi toi-même », alors que la sagesse des hommes lui suggère « Sois toi-même ». Mais afin de pouvoir épouser la princesse et d'avoir bien et honneurs, il finit par renoncer à sa condition d'homme. Il entre en déchéance et comprenant que sa vie est en danger, l'évite par la fuite1.


Mais il demeure toujours un vagabond des montagnes, dévoré d'ambition et d'orgueil, à la recherche d'affaires mirobolantes. Dans ces hauts lieux de la tristesse, il fait une rencontre fugitive avec une désespérée, Solveig, la jeune fille rencontrée avant les noces. Peer rentre chez sa mère Åse moribonde, qui a été autrefois, avec lui, à la fois rude et tendre. Peer Gynt transforme le trépas en chevauchée fantastique au seuil du paradis où il confie personnellement l'âme maternelle au portier saint Pierre. Après la mort d'Åse, Peer quitte la Norvège.


Au début de l'acte IV - c'est au commencement de cet acte qu'est joué le célèbre prélude, Matin - on retrouve Peer Gynt après un saut dans le temps de près de vingt ans en Afrique dans un Maroc légendaire où il a fait fortune. Il est maintenant un prospère marchand d'esclaves, qui se fait considérer en excellent théoricien de la bonne vie, incontournable gardien de l'éthique et exemple moral. Mais sa richesse fraîchement acquise ne l'incite qu'à plus de débauches. Il projette un grandiose retour. Le navire de ses richesses est volé par son partenaire en affaires, puis coule lors d'une tempête. Au terme de son naufrage économique, Peer redevenu pauvre hère, engage une lutte de survie avec les bêtes de la brousse, se trouve ravalé à une vie ridicule avec des singes, puis s'impose comme le prophète d'une tribu d'hommes sauvages. Il se tourne vers Dieu. Attaqué par des trolls, il se retrouve dans le désert et est sauvé par la découverte d'une oasis. Après avoir visité l'Arabie et séduit la belle Anitra qui lui vole ses derniers biens, Peer finit par échouer dans un asile égyptien au Caire, où il devient « empereur des fous ». Il a une vision de Solveig, restée dans son pays natal.


Au dernier acte, nous retrouvons Peer sur un vaisseau de retour au pays. Il rencontre le mystérieux fondeur de boutons qui doit reprendre son âme pour la rendre au maître de toute chose. Mais quelque chose cloche : il n'est qu'un bouton mal fait, donc à refondre dans le grand chaudron. Peer se révolte et n'accepte pas sa condition de bouton raté. Le navire fait naufrage en cours de route.


Rentré sur terre vieux et pauvre, il retrouve la fidèle Solveig fanée par les années qui l'a attendu miraculeusement, et le console en ses ultimes instants. Il meurt comme un enfant bercé dans les bras symbole de l'amour rédempteur. Juste avant qu'il ne rende le dernier soupir, elle lui murmure tendrement : « Ton voyage est fini, Peer, tu as enfin compris le sens de la vie, c'est ici chez toi et non pas dans la vaine poursuite de tes rêves fous à travers le monde que réside le vrai bonheur. »

Direction musicale

Nicolas Meilhan

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